On ne parle pas assez de l’importance et du poids de la façon dont on utilise son corps dans la sexualité, comme un musicien le fait avec son instrument de musique.

Le corps est l’instrument du plaisir sexuel. C’est lui qui permet de vivre toutes les nuances et la richesse des sensations, de l’excitation sexuelle, des émotions, des images, des symboles, de la relation.

Une notion nouvelle ?

L’O.M.S. définit la santé sexuelle par un bien-être sur plusieurs plans : des émotions et des perceptions, des cognitions et des représentations, de la relation, mais aussi celui du corps, en l’absence de problème organique.

Masters et Johnson ont mis en lumière dans leurs études combien les réactions du corps étaient essentielles dans la sexualité. Et ils ont introduit cette dimension dans leurs sexothérapies.

Postérieurement à Reich qui a été le premier à l’évoquer, Lowen a mis en évidence par ses expérimentations combien le travail corporel avait une influence sur les perceptions et les émotions. Son intuition est aujourd’hui confirmée par les récentes recherches en neurosciences.

Prolongeant leur réflexion, Jean-Yves Desjardins, dans les années 80, s’est interrogé sur le corps dans la sexualité : comment la façon de gérer son corps, de le mouvoir, influence notre vécu sexuel ? Dans les parties du corps qui sont en jeu, la mouvance ou l’immobilité, la rigidité ou la souplesse, la façon dont on va faire varier les intensités, les rythmes, les amplitudes et prises d’espace, permet de jouer sur les réactions sexuelles, a été l’objet de sa réflexion. Il a créé le Sexocorporel.

Au-delà du corporel, il a eu l’intuition que ce qui se passe dans notre corps influence aussi notre vécu émotionnel, donc notre plaisir sexuel, et notre désir sexuel. Plus largement encore, cela joue sur notre perception de nous-mêmes, sur notre identité sexuelle, sur nos pensées, nos représentations de la sexualité, et notre façon d’être dans la relation à l’autre.
Il a donné au corps sa place fondamentale dans la sexualité.

« Jouer » s’apprend

S’appuyant sur les principes de développement et d’apprentissage initiés par Piaget, on peut aussi considérer que la sexualité, dans sa dimension de plaisir, de désir, de mieux-être en général, et sur le plan de la richesse des réactions sexuelles est développementale.

Au même titre que toute activité corporelle (marcher, pratiquer un sport…), la gestion corporelle de l’excitation sexuelle et le vécu potentiel du plaisir sexuel fait l’objet d’apprentissages.

Ces apprentissages démarrent dès la toute petite enfance. De nombreux jeux et explorations sensorielles de l’enfance y contribuent, les expériences de l’adolescence les poursuivent, celle de l’âge adulte aussi, tout au long de la vie.

Parce que nous avons tous un corps, nous avons tous des possibilités de développement dans la gestion de notre sexualité, y compris sur le plan corporel.

De plus, il n’y a pas une manière de se développer dans la sexualité, mais une multitude, ce qui fait que chaque personne s’est développée au rythme qui lui est propre et d’une manière qui lui est propre, et inévitable différente des autres. Son vécu sexuel lui est donc spécifique.

Les récentes découvertes des neurosciences qui révèlent les possibilités d’apprentissage de tout individu tout au long de la vie, ouvrent des perspectives formidables pour l’évolution sexuelle de chacun, quel que soit son âge, à partir du moment où il l’a décidé, où il a envie d’évoluer dans sa sexualité. 

Un instrument qui peut nécessiter d’être accordé

Mais la sexualité, quelle que soit la manière dont elle s’est construite pour chacun, n’est pas un long fleuve tranquille. De nombreux facteurs peuvent venir la perturber : dans l’enfance (violences sexuelles par exemple), durant l’adolescence (apprentissages limitatifs, envahissement de l’imaginaire par des images qui choquent ou des confidences sexuelles parentales…), à n’importe quelle période de notre vie d’adulte (maternités, surmenages professionnels, maladies… ). La liste est longue. Tout ce qui touche à notre corps, à nos émotions, à notre façon d’être en relation, à nos pensées, nos connaissances, nos représentations, notre santé, peut jouer sur notre vécu sexuel.

Peut apparaître alors un « trouble sexuel », une difficulté (troubles du désir, troubles du plaisir, troubles de l’harmonisation sexuelle…) passagère ou permanente.

Chaque personne peut dépasser ses difficultés, grâce, en autres, à des moyens corporels, qui mettent en jeu des mouvements, la respiration…. L’apprentissage est d’abord « technique » (on fait des gammes) sous forme d’exercices individuels, puis s’enrichit de mises en application seul.e ou à deux tout en vivant une excitation sexuelle nourrie par son imaginaire ou ses propres caresses (selon ses préférences), ou alimentée par les touchers de l’autre, le regard que l’on pose sur lui/elle, les mots… toutes les sources efficaces pour chacun.e.

Le lâcher-prise, par exemple, qui est une des clés essentielles du plaisir sexuel, est facilement accessible par des moyens corporels. Sa difficulté à l’atteindre est un facteurs fréquemment en jeu dans de nombreux troubles sexuels.

Comme tout apprentissage, il y a évidemment l’étape de l’acquisition, celle de l’entraînement et celle du renforcement. Puis vient celle du savoir-être : savoir sentir, savoir apprécier, savoir vivre la plaisir des sensations, des émotions de la relation… La sexualité est développementale. Cela prend du temps, c’est le chemin d’une vie.

Découvrir et comprendre comment la façon de jouer avec son propre corps, dans le mouvement, influe sur le vécu sexuel donne des pistes pour pouvoir élargir et enrichir ses apprentissages, une ouverture vers un éventail plus large des différentes formes de plaisir : plaisir de sentir l’excitation sexuelle naître, monter, se diffuser, se prolonger, exploser en orgasme, plaisir de vivre les émotions de la relation avec l’autre (se sentir désirable, désirant.e, excitant.e, en fusion…), les sentiments positifs vis-à-vis de soi-même (fierté de se sentir homme, femme…), etc. Savoir jouer avec son corps ouvre des possibilités plus étendues d’harmonisation avec l’autre, une distanciation plus aisée avec des normes culturelles qui pourraient avoir des effets limitatifs sur le plaisir.

La variation des pratiques sexuelles, qui reste liée à la créativité de chacun, n’est pas indispensable à l’augmentation du plaisir, ni à sa qualité. Savoir bien jouer avec son corps, comme d’un instrument de musique, favorise la qualité du vécu sexuel dans sa dimension de plaisir, de désir, d’harmonisation avec l’autre et/ou avec soi-même.

Comme en musique, on peut avoir plus ou moins « d’oreille », découvrir par chance les harmonies d’un beau morceau, ou avoir besoin des partitions. Mais dans la sexualité, nous pouvons tous et toutes jouer de belles symphonies. 

Se faire aider par un sexologue

Les sexologues, formés au Sexocorporel ont appris à évaluer, poser un diagnostic et accompagner avec des moyens, entre autres corporels, toute personne dans son évolution et l’amélioration son vécu sexuel.

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